Tout savoir sur les fûts en bois

La variante du tonneau la plus courante pour le vieillissement du vin est la «barrique bordelaise» – un récipient de chêne de 225 litres, dans lequel le vin est stocké en vue d’un raffinement aromatique et structurel. La plupart des barriques ne sont utilisées qu’une à trois fois, parce qu’au-delà elles sont épuisées et ne délivrent plus au vin ni tannins ni arômes. Mais certains domaines utilisent aussi des barriques qui ont servi plusieurs fois, comme cuve de vieillissement neutre. La barrique doit son nom à la révolution de juillet 1830, quand des tonneaux remplis de terre servaient de barricades.

A l’origine, la taille d’une barrique était pensée de telle sorte qu’une seule personne pouvait la porter vide et la faire rouler une fois pleine – et comme en la matière, aucune norme n’était fixée, diverses variantes de barriques sont apparues, proches en termes de volume et pourtant dissemblables: à la différence de la barrique bordelaise, la barrique nantaise contient 230 litres et la barrique béarnaise 300 litres. Autrefois développée pour le commerce du vin de Bordeaux et donc caractérisée par sa bonne transportabilité, la barrique présente en outre un rapport particulier entre surface de bois et volume de vin, et est de ce fait aujourd’hui un type de contenant adopté dans le monde entier pour l’affinage des vins rouges et des vins blancs. En effet, en raison du contact bien dosé avec l’oxygène par l’intermédiaire des pores du bois, les tannins et le fruit mûrissent non seulement plus vite durant l’élevage en fûts mais les vins de surcroît se parent des notes épicées de la barrique aux fragrances de chêne grillé, qui rappellent le cacao, la vanille, le café et le caramel; ces notes fumées procèdent de la chauffe, le «brûlage» traditionnel des barriques nouvellement fabriquées. Outre le degré de torréfaction, l’origine du bois joue également un rôle important dans les arômes: en France, les forêts de l’Allier, du Limousin et de Nevers en particulier, sont célèbres pour leur bois caractéristique. 

Bien qu’un peu plus trapue et plus ventrue, très semblable à la barrique d’aspect, de capacité et de fonction, la pièce est un petit fût de chêne utilisé surtout en Bourgogne et généralement une à trois fois, pour l’affinement aromatique et structurel. Autrefois, il était plus facile de différencier extérieurement les barriques des pièces, car les cercles métalliques des tonneaux bourguignons étaient la plupart du temps peints en noir, ce qui n’est plus aussi fréquent aujourd’hui. Désormais, les différentes douves plus ou moins épaisses (planches longitudinales cintrées) constituent l’élément de différenciation le plus clair: celles de la pièce sont de 30 millimètres d’épaisseur, celles d’une barrique classique n’excèdent pas 20 à 25 millimètres. A l’instar des barriques, la dénomination «pièce» ne recouvre pas partout la même réalité: tandis que la traditionnelle pièce bourguignonne correspond à un volume de 228 litres en Côte d’Or, une pièce dans le Beaujolais et le Mâconnais viticoles contient 215 litres de vin, et 205 litres en Champagne. 

Autrefois, parfois en châtaignier, parfois en cerisier, les grands tonneaux, surtout typiques en Italie et d’une contenance de 2500, 5000 voire 10’000 litres, sont aujourd’hui principalement fabriqués en chêne. Le Brunello di Montalcino, le Salice Salentino ou le Barolo – de nombreux vins rouges célèbres de la botte vieillissent traditionnellement dans un grand fût en bois: pour autant, aujourd’hui beaucoup de ces classiques sont aussi élevés dans des petits fûts. Bien entretenus, les «botti grandi» peuvent être exploités pendant 50 ans voire beaucoup plus. Et puisque le bois ne libère plus dans le vin, ni tannins ni arômes à court terme, et que la quantité d’oxygène qui pénètre par les douves est relativement faible par rapport à la capacité, le vieillissement lent dans ce type de futaille concentre toute l’attention. En Allemagne, les grands tonneaux de bois sont d’un point de vue historique une longue tradition, même si depuis de plus petits formats se sont imposés dans le pays: le «Grand tonneau» d’Heidelberg est un exemple particulièrement saisissant – un réservoir de vin du XVIII^e siècle d'une capacité impressionnante d'environ 220’000 litres. 

Les fûts géants (très grosses pièces) comme celui d’Heidelberg appartiennent certes au passé, mais les contenants en bois de grand format comme le Fuder, sont toujours un outil majeur du vieillissement du vin en Allemagne. À l'origine, le foudre est une ancienne unité de mesure qui a toujours été utilisée pour le vin, mais aussi pour de nombreux autres produits, par exemple le foin, le minerai et le charbon. La désignation «Fuder» dérivée de «Fuhre» signifiait «charge» d’un chariot à deux chevaux. Il n'est pas surprenant qu'il y ait eu de grandes différences régionales dans le passé, car la charge qu’un attelage pouvait supporter n'était pas standardisée et donc pas la même partout – variant entre des fûts de 900 litres en Franconie, 960 litres sur la Moselle ou 1500 litres à Baden, tout était possible.

Quelles qu’aient été toutes ces différences historiques, aujourd’hui la dénomination «foudre» désigne les fûts de bois d’un volume de 1000 litres, notamment dans la Moselle et dans la Sarre, en Hesse Rhénane et dans le Palatinat. Étant donné qu’aujourd’hui encore, il n’existe pas de directives légales en matière de désignation et de volume des fûts, des foudres de tailles très différentes sont encore très répandus. Ce qui est d’ailleurs aussi le cas en France, où le foudre correspond au Fuder avec des volumes également très différents: une futaille de 1000 litres peut aussi bien être appelée foudre qu'un récipient en bois d'une capacité de 3000 litres. Beaucoup de foudres ont une durée de vie de plusieurs décennies, car contrairement aux barriques, la transmission des tanins et des arômes ne joue pas de rôle dans le Fuder, parce que la lente maturation du vin dans un bois neutre est au premier plan.

Depuis des siècles, le Stückfass est en Allemagne un des tonneaux les plus utilisés pour l’élevage du vin. Notamment pour le stockage du vin de Moselle et du Rhin, où il est de longue tradition. Comme pour le Fuder, la capacité du Stückfass ou pièce, variait également considérablement d’une région à l’autre, et de nos jours encore la législation sur le vin n’impose aucune contrainte en matière de capacité – néanmoins aujourd’hui, en Allemagne, sous la dénomination Stück soit pièce, on désigne généralement un fût de chêne d'une capacité de 1200 litres. De la même façon, il existe des variantes: demi-pièce de 600 litres, double pièce de 2400 litres, comme les spécifications «quart de pièce» pour une futaille de 300 litres ou «triple pièce» pour un fût en 3600 litres. Étant donné que le stockage en pièces, doubles et triples est toujours lié à un développement lent du vin, et non à sa maturation et à son aromatisation rapide du vin, ces grands récipients en bois servent généralement pendant de nombreuses décennies.

Stückfass et Fuder des viticultrices et viticulteurs allemands correspondent aux foudres, muids et tonneaux français. Le terme muid désigne un type de tonneau d'un volume de 1300 litres, principalement utilisé dans les caves du Rhône – notamment dans la sphère des Châteauneuf-du-Pape où ces fûts sont particulièrement populaires. Une moitié ou demi-muid contient 600 litres de vin et est aujourd’hui très répandu en France, de la Champagne au Languedoc-Roussillon. Tandis qu’avec le muid, semblable au foudre et au Stückfass, la maturation lente est de prime importance, le demi-muid est toujours utilisé lorsque l’impact boisé sur le vin est requis, mais modérément. Car en comparaison avec d’autres barriques nettement plus petites, la surface de volume par litre est beaucoup plus petite dans le demi-muid de telle sorte que la micro-oxydation et par conséquent le processus de développement du vin sont également moindres, de même que l'empreinte des tannins et des arômes dans des fûts en bois neufs se fait plus discrète.

Le tonneau («Tonne» en allemand) est une ancienne unité de mesure française pour les denrées sèches et liquides: à savoir qu’un tonneau équivalait à 1000 kg de poids et à 900 litres de liquide soit 1200 bouteilles. Jusqu’à ce qu’ils gagnent en popularité au XVIII^e siècle, les tonneaux étaient aussi la futaille la plus courante dans le Bordelais – mais étant trop encombrants pour le transport maritime, ils ont par la suite été repensés en plus petite dimension pour traverser les mers.

Aujourd’hui, la dénomination tonneau regroupe des fûts de différentes tailles, même si à l’heure actuelle des fûts, notamment en chêne, d’une capacité de 500 litres sont largement répandus en France sous cette désignation. Les vins élevés en tonneaux neufs héritent des fragrances du bois semblables à celles que l’on perçoit et goûte après un élevage en demi-muid, cependant l’apport tannique et aromatique est nettement plus atténué du fait que la surface en contact avec le vin est proportionnellement plus petite. Par conséquent, la micro-oxydation est également réduite, moins d’oxygène pénétrant dans le vin par les pores du bois, la maturation est plus lente qu’en barriques.